Retrouvez toutes les informations sur les Conférences de Carême de Notre-Dame de Paris sur le site du Diocèse de Paris.
Texte de la conférence
Reproduction papier ou numérique interdite.
Naître… quand on est vieux ? (Jn 3)
Je remercie infiniment Mgr Ulrich de sa confiance.
Je suis très reconnaissant envers les diocésains de Paris pour leur hospitalité.
Je salue chaleureusement les auditeurs et téléspectateurs partageant l’amitié de ce chemin de Carême.
Je me sens tout petit devant l’exercice.
Tant de prédicateurs ont témoigné de leur érudition et de leur sainteté à la chaire de Notre Dame.
Je viens humblement au service de votre prière et de votre réflexion.
Mon charisme n’est pas celui de la spéculation.
Je l’admire chez de nombreux amis.
Je ne suis pas un homme de thèse.
Ma joie profonde est de prêcher « le Dieu du cœur humain »
Dieu du cœur humain, dont parle si bien St François de Sales.
Ma prière sur les événements du monde et de l’Eglise m’a orienté vers une urgence :
inviter Dieu à nous parler.
« Parle Seigneur, tes serviteurs écoutent ».
Inviter Dieu à se dire.
Plutôt qu’à prétendre parler de Lui indéfiniment.
Éclairés de l’intérieur par sa divine présence à nous-mêmes, discerner la puissance de conversion des signes des temps !
Que désires-tu nous signifier en ces temps chaotiques ?
Ma préparation intérieure de ces rendez-vous dominicaux se veut complémentaire de la richesse des chaires universitaires.
Le recul que je propose est également au service de nos routes synodales.
Mais il ne vient pas se substituer à elles.
Ma proposition voudrait être dépouillée des oripeaux.
Oripeaux du repli illusoire.
Oripeaux de la construction sur le sable.
Oripeaux de la polémique enfermante.
Oripeaux de l’idéologie.
La foi se tient à l’opposé de l’idéologie.
Elle ne triomphe pas du cœur humain au détriment de son consentement.
Le Carême est lieu de ce saisissement.
Nous ne sommes que cendres encore.
Mais « cendres aimées de Dieu » dit le Pape François.
Chers amis, notre route fraternelle est davantage « sous le sac et la cendre » dont parle le prophète Jérémie (6,26)
Nous jeûnerons et pleurerons devant Quelqu’un.
Découvrant au fil de notre méditation combien il est riche en Miséricorde.
Plaise à Dieu que je sois humble compagnon de votre quête.
À l’heure où nous parlons, Antakya, ville turque, est un champ de ruines.
Séisme meurtrier et sidérant.
Nos frères ont perdu leurs proches et leurs biens.
Antakya fut autrefois ville d’Antioche.
A Antioche, pour la première fois, les disciples professant que Jésus est le Seigneur reçurent le nom de chrétiens (Actes 11,26)
Dans ce même mouvement de réception du nom de chrétiens, la communauté d’Antioche fut visitée par des prophètes venant de Jérusalem.
L’un d’eux, sous l’action de l’Esprit Saint, leur annonça une grande famine.
Alors, ces disciples décidèrent d’envoyer de l’aide, chacun selon ses moyens, aux frères qui habitaient la Judée (11,29)
Sitôt nommés, sitôt agissants !
L’être chrétien n’est pas un trophée antique. Enfoui sous les gravats de la mémoire ou de la désolation.
Le nom de chrétiens ne se reçoit pas comme coquille vide.
Être chrétien est une vie ! Est la Vie surabondante de fraternité jaillie du don de la foi.
Être chrétien est une vocation saisissant l’homme tout entier.
Il est constitutif de l’être chrétien de sans cesse se recevoir de plus grand que soi.
Et de veiller à toujours sortir de son moi réducteur.
Comment ne pas être touchés que, dès son origine même, la dénomination de chrétiens ait cette puissance vivifiante, cette transcendance, cette altérité ?
La détresse actuelle d’Antakya, lieu de transmission de nos aînés d’Antioche, est comme une parabole pour notre marche vers Pâques. Le plus puissant des hommes n’empêche pas la fraternité de vibrer.
C’est quand nous sommes faibles que nous sommes forts.
Nous ne sommes rien les uns sans les autres.
Le plus puissant des hommes, fut-il dictateur féru de toute ingéniosité, n’empêche pas la terre de trembler.
Les événements nous instruisent.
Dieu vient nous y chercher dans l’errance de notre suffisance.
Comment ne pas se sentir proche du bienheureux Ozanam, de frère Lacordaire et de Mgr Quelen instituant en 1834 les conférences de Carême à Notre Dame. L’historien Yves-Marie Hilaire décrit la soif de cette époque.
Sans anachronisme, n’avons-nous pas de profondes similitudes avec les attentes qu’Ozanam sut discerner ?
L’être chrétien est comme un impressionnant fil rouge des conférences successives.
« Qui nous fera voir le bonheur ? »
« Seigneur unifie mon cœur afin qu’il craigne ton nom »
Le psalmiste exprime mieux que moi cette intuition.
Toute la splendeur et toute l’architecture des conférences discernées par Ozanam sont vouées à cette recherche inlassable.
Ceux qui me précèdent prêchèrent l’amour de Dieu en l’homme, et la conversion de l’homme vers Dieu.
Le nom de chrétiens se reçoit, se cherche, se désire, se cultive, se fortifie, se trahit, se défend au fil de nos expériences, humbles et diverses.
Il s’incarne dans l’enfouissement le plus ordinaire comme dans les circonstances explicites de la fidélité.
Il s’offre en oblation dans la persécution et le martyre.
Il est communion au Christ.
Une oraison du Missel dit : « Seigneur Dieu, tu montres aux égarés la lumière de ta vérité
pour qu’ils puissent reprendre le bon chemin. Donne à tous ceux qui se déclarent chrétiens de rejeter ce qui est contraire à ce nom et de rechercher ce qui lui fait honneur » (15e dimanche Temps ordinaire).
Permettez que je vous invite à quatre dispositions, quatre attitudes intérieures, quatre ouvertures à la grâce :
1) Il ne vous échappe pas que les titres de mes interventions sont des versets bibliques. Leur lectio est venue pétrir mon cœur et m’a inspiré de ne point chercher de « slogan mobilisateur » ailleurs que dans l’Ecriture, et grâce à sa fécondité. On ne titre pas des conférences de Carême pour la sensation d’attirer à soi. Le but est de se laisser saisir par la Parole dont nous vivons. Dans l’expérience de mon ministère se trouve une joie dominante et vivifiante : quand un catéchumène ou un baptisé s’éveille à la saveur nourricière de la Parole, il devient tout autre dans sa capacité à assumer sa responsabilité humaine et chrétienne.
Le Concile Vatican II insiste que tous ceux qui « vaquent normalement » au ministère de la Parole y soient assidus, s’attachent aux Écritures « de peur que l’un d’eux ne devienne un vain prédicateur de la Parole de Dieu au dehors, lui qui ne l’écouterait pas au dedans de lui » (Dei Verbum 25)
Je nous souhaite de grandir dans cette écoute du dedans. J’espère, le moins possible, faire écran à ce que le Seigneur fécondera en vous.
2) La seconde intuition m’est offerte par Benoît XVI : nous lui devons tant. Dans notre monde, il est des gens qui captent vers eux la lumière. Leur gloire est éphémère. Benoit était un Christophore. Un réflecteur des lumières que lui procuraient sa vive intelligence, son extraordinaire clarté d’expression, sa grande intériorité et sa profonde humilité. Les fidèles auditeurs des Conférences à Notre Dame n’oublieront pas la pédagogie remarquable du Cardinal Ratzinger, en véritable fils de Saint Augustin, le 8 avril 2001, sur invitation du Cardinal Lustiger.
J’use, sans me lasser, de ce petit joyau dont Benoit XVI avait le secret : « La foi est rencontre, non avec des idées ou des projets. Mais avec Quelqu’un. Ce Quelqu’un désire nous transformer de l’intérieur et nous révéler notre identité de fils de Dieu ».
Je nous souhaite de nous laisser transformer. Je nous souhaite une découverte plus effective de qui nous sommes pour Dieu.
3) Ma troisième proposition est que soit bien intégrée en nos esprits la nouveauté que nous apprendrons à regarder. Elle n’est pas la nouveauté fugace et consumériste. Cette nouveauté qui, à peine apparue, est déjà périmée sous les fourches de la concurrence et de l’auto référentialité. La nouveauté dont nous allons être chercheurs est surgissement. Elle échappe à nos catégories pour d’autant mieux les éclairer, les vivifier. Annoncée par Isaïe comme saisissant toutes choses, cette nouveauté grandit l’humain. Elle n’exonère pas notre personne de l’épreuve aride, du questionnement abrasif. Elle est mûrissement progressif quant à notre perception. Elle est aussi mystérieusement agissante au-delà de nos sens. Le prophète nous guide dans les obscurités vers le discernement lumineux de cette nouveauté irrévocable en Jésus. Dès avant sa Pâque, Jésus se sait et s’éprouve comme Celui qui apporte absolument le salut. Le Carême est communion à son combat pour que l’homme accueille en Lui toute nouveauté ne venant pas de ce monde. Mais trouvant sa Royauté en un autre. Toute nouveauté s’accomplit dans le consentement de Jésus à la volonté aimante du Père. Ce qui est neuf et que Dieu seul peut susciter, est ce que Karl Rahner appelait « la radicalité victorieuse avec laquelle le Père se tourne vers le Fils sous un mode qui n’existait pas jusqu’alors parmi les pécheurs ».
Je nous souhaite d’expérimenter ensemble la force, l’unicité de cette nouveauté. Dieu s’y engage. « Je fais du neuf ». L’espérance ne peut décevoir ceux qui s’entraident à ouvrir les yeux.
4) La quatrième disposition est comme servante des trois premières. Si nous écoutons Dieu, si nous nous laissons transformer par Lui, si nous saisissons que tout en nous est déjà renouvelé par Lui, manque cette quatrième attitude du cœur.
Nous évoquons ici l’importance de la communication humaine. J’aspire, chers auditeurs, à ce que ce message vous rejoigne. Là où vous êtes, en cet hiver 2023 particulièrement chaotique. Saint François de Sales qui marque ma vie disait : « Il faut
que nos paroles soient enflammées, non par des cris et actions démesurées. Mais par l’affection intérieure. Il faut qu’elles sortent du cœur plus que de la bouche. On a beau dire. Mais le cœur parle au cœur. La langue ne parle qu’aux oreilles ».
Je nous souhaite une communication audible et percutante au sens où l’entend François de Sales. Si le cœur parle au cœur, c’est au service de la joie de croire. Si le cœur parle au cœur, c’est pour que rien des épreuves et des joies soit ignoré. Si le cœur parle au cœur, c’est afin que chacun entende un peu plus en sa propre langue, à quel point il est aimé de Dieu. Si le cœur parle au cœur, c’est pour que la nouveauté soit davantage vécue comme déjà là. Si le cœur parle au cœur, c’est afin que se discerne la nouveauté, pas encore perçue par nos yeux encombrés. Si le cœur parle au cœur c’est pour que nous nous laissions réconcilier par ces quarante jours.
« Je commence à me convertir »
m’a confié récemment une centenaire dans un dialogue pastoral.
Personne tout ordinaire qui vous lâche ce fioretti au détour d’une visite.
Personne toute simple.
N’ayant vécu aucun parcours d’exception.
« Il faut garder ses pensées proches de l’ordinaire » dit la grande mystique Thérèse d’Avila.
Cette chère centenaire éprouve, du haut de son siècle d’existence, la fraîcheur native des commencements.
Tout pourrait se scléroser en elle.
Tout pourrait aspirer à la fin des fins.
L’amitié du Christ va de commencement en commencement.
L’amitié du Christ est sans cesse novatrice. Rénovatrice. Réconfortante.
Savourant cette pépite, je partageais ce témoignage à des enfants lors d’une assemblée de catéchèse.
Visages médusés.
Un quart d’heure semble si court ou si long en nos cultures numériques de l’immédiateté.
Je vois encore une petite fille comptant sur ses dix doigts le pèlerinage de son aînée dans la foi.
Cent ans et cette dame ne fait que commencer !
Nicodème eut été édifié de dialoguer avec cette fidèle du Christ.
Nicodème eut été rajeuni de croiser ma centenaire.
Rejoignons-le dans le quatrième évangile.
Il est pharisien, notable, docteur, membre du Sanhédrin.
A ce compte-là, on est assuré d’un savoir métaphysique.
Doté d’une telle carrière, on en impose en sagesse et discernement.
Or, le docte Nicodème vient rencontrer Jésus de nuit.
Il n’opte pas seulement pour cette consultation nocturne avec Jésus par sécurité et peur du qu’en dira-t-on.
C’est de nuit, parce que la lumière lui manque sur l’essentiel.
C’est de nuit, car l’Ami qui l’attend est lumière de l’humanité.
L’argument de Nicodème est déjà lumineux de sa quête intérieure.
« Nous savons que de la part de Dieu tu es venu en Maître. Personne ne peut faire ces signes que tu fais si Dieu n’est avec lui »
Le vieux Nicodème est déjà dans une prédisposition intérieure qui sera comme le portique de sa conversion.
Nous lui ressemblons étrangement.
Vieux que nous sommes de nos certitudes corsetées.
Jeunes que nous aspirons à être dans un faux jeunisme.
Vieux jeunes. Jeunes vieux.
Il faut encore que Nicodème découvre que le vent souffle où il veut.
Il lui faut encore consentir à être docteur en Israël et savoir qu’il ne sait pas.
« Comment cela peut-il se faire ? »
Il lui faut encore toute l’humilité mariale.
« Qui ne sera engendré d’eau et d’esprit ne sera dans le Royaume »
Naître quand on est vieux !
Désarmante perspective échappant à toute rationalité.
Naître quand on est vieux, sans être de nouveau engendré par sa mère.
Naître quand on est vieux, sans que cela signifie un retour en arrière.
Naître quand on est vieux, par le surgissement d’en haut.
Naître quand on est vieux, non par chirurgie esthétique de l’âme, mais par rénovation de l’Esprit.
Naître quand on est vieux !
Qu’adviendra-t-il de Nicodème au tréfonds de lui-même après ce fulgurant dialogue avec Jésus de Nazareth ?
Il y a ce que dit l’évangile et ce qu’il ne dit pas.
Au chapitre 7, Nicodème défendra Jésus.
Au chapitre 19, Nicodème participera à l’ensevelissement de Jésus.
La force de ces deux gestes rapportés par le quatrième évangile suffit à dire la transformation du vieil homme.
Lui qui butait au chapitre trois sur le nouveau, parvint-il à consentir à ce que la nouveauté vienne d’en haut ?
On ne défend pas le Nazaréen comme il le fit, sans être épris de lui.
« On ne juge pas quelqu’un qu’on ne connaît pas », fut son plaidoyer.
Signe qu’il répondait de Jésus par connaissance de lui.
On n’ensevelit pas le Nazaréen d’une quantité surabondante de myrrhe et d’aloès, s’il n’a pris la première place dans votre cœur.
L’ensevelissement relaté prend figure royale alors que notre Seigneur a été traité en malfaiteur.
Laissons Nicodème à Dieu et Dieu à Nicodème.
Mais réjouissons-nous du travail patient de Dieu entre les lignes de nos perceptions.
Comme l’écrit Claude Flipo : « Toute la philosophie du monde, y compris la connaissance des Écritures et de ses commentaires, ne peut susciter cette naissance spirituelle d’en haut ».
Dieu fait du neuf !
Il le fait dans le travail de sa grâce, ne venant jamais entraver notre liberté, mais venant ancrer cette liberté dans la lumière de la vérité.
Nous ne cessons de courir sans toujours percevoir pour qui Et pourquoi.
La Covid, les tensions géopolitiques, sociales, les graves crises traversées par l’Eglise peuvent nous donner le sentiment de prendre un coup de vieux, de prendre un coup sur ce que nous espérions, de prendre un coup tout court.
Naître de nouveau peut sembler irréel ou inatteignable.
Ici faut-il un lâcher-prise fondamental.
Sans lequel la naissance d’en haut aurait tout autant d’invraisemblance qu’aux yeux de tous les Sanhédrins du monde.
Dieu se refuse à nous enfermer dans notre vieillissement mortifère.
Par désir de Dieu, tout être vieillissant fructifie encore et toujours au-delà de nos catégories.
Dans le Traité de l’Amour de Dieu, saint-François de Sales nous prend à témoin de cette action novatrice :
« La grâce est si gracieuse, et saisit si gracieusement nos cœurs pour les attirer, qu’elle ne gâte rien en la liberté de notre volonté. Elle touche puissamment, mais pourtant si délicatement, les ressorts de notre esprit que notre franc arbitre n’en reçoit aucun par contrainte. La grâce a des forces, non pour forcer, mais pour allécher le cœur. Elle a une sainte violence. Non pour violer, mais pour rendre amoureuse notre liberté. Elle agit fortement, mais si suavement que notre volonté ne demeure point accablée sous une si puissante action. Elle nous presse, mais elle n’oppresse pas notre franchise. Les attraits divins nous laissent en pleine liberté de les suivre ou de les refuser » (II, 12)
Dieu fait du neuf !
Nous ne le verrons en nous que si le vieil homme consent à l’anéantissement confiant et abandonné à la nouveauté de l’amour.
Tant que l’Evangile ne sera pas bonne nouvelle, à la fine pointe de notre être, nous serons des vieux.
Vieux non pas au sens psycho social.
Mais vieux d’une sclérose du cœur.
Vieux de toute artériosclérose théologale.
« Le contraire d’un peuple chrétien, c’est un peuple triste, un peuple de vieux » écrit Bernanos dans le Journal d’un curé de campagne.
Il ajoute : « Tu me diras que la définition n’est pas trop théologique ? D’accord. Mais elle a de quoi faire réfléchir les messieurs qui baillent à la messe du dimanche. Bien sûr qu’ils baillent ! Tu ne voudrais pas qu’en une malheureuse demi-heure par semaine, l’Eglise puisse leur apprendre la joie »
J’espère, chers amis, ne pas encore à ce stade susciter vos bâillements.
Mais avouez que le curé de campagne bernanosien touche un point éminemment sensible.
Serions-nous vieux de ne pas être joyeux ?
Serions-nous vieux de ne pas être ravivés ?
Vous percevez bien, chers amis, que le propos tenu ici n’est pas un volontarisme.
Une course forcenée à l’aveugle des vraies questions de l’homme d’aujourd’hui. Pire encore, l’éteignoir de nos responsabilités devant les défis présents ou à venir.
Sainte Beuve disait : « Vieillir est ennuyeux ; mais c’est le seul moyen qu’on ait trouvé pour vivre longtemps ».
L’erreur serait de réduire la réflexion de ce dimanche à la longévité d’être. Certes, la durée de vie marque la démographie de notre Europe et de nos communautés. Certes, le « bien vieillir » est une responsabilité collective. Mais, au sens spirituel, l’être humain naît vieux et doit entrer en apprentissage de la rénovation que Dieu prépare. C’est une disposition plus universelle, plus relationnelle et plus qualitative qui est en jeu.
Une âme peut être jeune dans un corps altéré. Elle peut être sclérosée dans un corps athlétique. Nous verrons, dimanche prochain, comment la naissance d’en haut passe par la parole de foi et de repentir envers le Père.
« Pour savoir s’il est un Dieu, je ne vous demande qu’une chose : c’est d’ouvrir les yeux » disait Voltaire.
En ce sens, il n’innove pas vraiment.
L’auteur du psaume 42 s’entendait déjà dire chaque jour « où est-il ton Dieu ? »
Ouvrir les yeux à la nouveauté de Dieu, comme y invite notre Carême, ne veut pas dire fermer artificiellement nos oreilles aux objections de l’expérience athée ou d’autres sagesses.
« Dieu fait du neuf, ouvrons les yeux » n’est pas un slogan cherchant à saturer les autres visions de l’homme.
Mais pour ceux qui sont saisis par Lui, le Christ est avènement par excellence. Au point qu’à la lumière de cette visibilité, toute chose devient visible comme jamais autrement. La Révélation révèle tout phénomène à lui-même au point que comme l’écrit Saint Luc, « Il n’y a rien de caché qui ne doive devenir manifeste » 8,17
Nous n’avons pas trop de la philosophie et de la théologie pour toujours creuser la relation entre le visible et le Révélé.
Les choses nouvelles que Dieu réalise ne sont jamais en contradiction avec son être.
Saint Jean de La Croix affirme que « Dieu en nous donnant son Fils, ainsi qu’il l’a fait, nous a tout dit ensemble, et en une fois ».
Scruter la nouveauté venue de Dieu sans ressourcer cette recherche sur le Christ serait offenser Dieu qui « donne le tout dans le Fils ».
Ouvrir les yeux, chers amis, c’est laisser la grâce agissante, nous désencombrer de ce qui n’est pas elle.
Nous verrons dimanche prochain à quel point on peut être douloureusement éblouis par ce qui n’est pas Dieu.
Les crises que nous traversons font opacité à la claire vision de ce que Dieu fait pour l’homme.
Il m’arrive souvent de me demander si, ce qui est moribond n’est pas un certain déisme.
Un christianisme n’est peut-être pas encore né de l’épreuve de ce temps.
Dieu le suscite déjà.
Afin de ne pas ramener à nous la mesure de ce qui est nouveau comme venant de Dieu, il nous faut nous délester autant que Nicodème.
Naître d’en haut n’est pas seulement constater avoir pieds par-dessus tête.
C’est refuser de naître d’en bas.
C’est offrir l’en bas à la Miséricorde venue d’en haut.
Le trône de la Miséricorde est notre misère.