Avant la Révolution
Le Chapitre, collège de chanoines chargés de l’exercice du culte, est traditionnellement responsable du Trésor de Notre-Dame. Les premiers inventaires remontent à 1343 et 1416. Périodes favorables et temps de crise se succèdent, certaines pièces sont fondues ou vendues. Ce trésor compte néanmoins parmi les plus importants de France jusqu’à la Révolution de 1789 où il est brutalement anéanti. Aucun objet de l’ancien trésor ne subsiste.
La reconstitution du trésor
En 1804, la remise à Notre-Dame de plusieurs Saintes Reliques de la Passion, préalablement conservées à la Sainte-Chapelle, marque le début de la reconstitution du trésor. Des commandes du Chapitre et des dons, souvent de personnalités illustres ou d’ecclésiastiques, viennent l’enrichir. Ravagé lors des émeutes de 1830 et du sac de l’archevêché en 1831, le trésor connait un nouvel essor avec la restauration de la cathédrale et la reconstruction de la sacristie dès 1849 par l’architecte Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc. Celui-ci s’attache à lui donner un aspect cohérent en adoptant le style néo-gothique pour l’architecture, l’aménagement et l’orfèvrerie.
À l’occasion du 850e anniversaire de la cathédrale, le Trésor bénéficie en 2012 d’une nouvelle muséographie, respectant le cadre et le mobilier voulus au XIXe siècle par ses réalisateurs.
A la suite de l’incendie de 2019, la scénographie est de nouveau repensée pour la réouverture.
Tout concourt à rendre intelligible au public le sens, la fonction et la valeur artistique des pièces présentées, dans le respect des aménagements voulus par Viollet-le-Duc :
- choix des œuvres exposées
- signalétique
- développement et explication de la dimension sacrée du trésor
- habillage
- extension du parcours de visite
- éclairage
Le trésor garde des objets du culte
En France, plus de deux cent cinquante églises offrent un Trésor à visiter. Les critères d’attribution des objets à un Trésor ont peu varié au cours des siècles même si les intentions qui président à leur conservation ont évolué. Il s’agit d’abord de préserver les objets précieux du culte et leur caractère sacré.
Tout objet qui est en contact avec le corps du Christ sous la forme de l’hostie et du vin consacrés revêt un caractère sacré et, pour cette raison, était jusqu’à une époque récente fabriqué dans un matériau précieux ou au moins recouvert d’un matériau précieux. On trouve dans cette catégorie les calices qui reçoivent le précieux sang, les ciboires dans lesquels se trouvent les hosties consacrées, les custodes qui servent à transporter les hosties, les ostensoirs utilisés pour présenter l’hostie à l’adoration des fidèles.
Beaucoup d’autres objets servant à la célébration de la messe : burettes et leur plateau, aiguière et bassin, ou à l’administration des sacrements : chrémeaux (ou chrémiers) renfermant le Saint Chrême pour le baptême et les ordinations et l’huile pour le sacrement des malades ont été réalisés en métaux précieux et avec une grande recherche.
On trouve aussi dans les Trésors les attributs propres aux évêques : mitres, crosses et anneaux, ainsi que des croix de procession et de nombreux crucifix. Les vêtements liturgiques : aubes, chasubles, dalmatiques, chapes, étoles, comme les livres anciens et enluminés supportent mal d’être exposés à la lumière et demandent de grands soins.
A côté des objets servant à la célébration du culte, et en plus grand nombre que ceux-ci, on trouve des reliquaires. Sous des formes diverses : croix, châsses, médaillons, monstrances, custodes, statuettes, bustes etc…, ils referment les restes de saints que l’Église honore d’une dévotion particulière. Notre-Dame de Paris possède des reliques de nombreux saints mais surtout elle abrite les Très Saintes Reliques de la Passion du Christ acquises par Saint Louis et conservées à la Sainte Chapelle jusqu’à la Révolution.
Une réserve d’objets précieux
La valeur de tous ces objets tient d’abord à la rareté des matériaux employés : or, vermeil, pierres précieuses. Elle tient également au talent des artistes et artisans qui les ont exécutés.
Depuis sa construction Notre-Dame reçoit les dons souvent somptueux. Souverains et grands manifestent ainsi leur attachement à l’Église et leur mécénat. Leur valeur peut tenir aussi aux circonstances historiques de leur création :
- souvenirs de la venue d’un Souverain Pontife comme la chasuble portée par Jean-Paul II lors des Journées Mondiales de la Jeunesse en 1997
- d’une manière plus tragique, objets utilisés par les trois archevêques de Paris qui moururent de mort violente au XIXe siècle.
Une réserve monétaire pour temps de crise
Jusqu’à la Révolution, le Trésor est considéré comme une éventuelle réserve d’argent pour les temps de crise : épidémies, famines, guerres étrangères et guerres civiles. A la demande du roi, ou à sa propre initiative, le chapitre de Notre-Dame envoie à la fonte des objets précieux pour en faire monnaie. Ainsi disparaissent :
- le reliquaire de vermeil de saint Siméon et saint André offert par Philippe-Auguste
- la statuette de Saint Denis ornée de saphirs et de perles aux armes d’Isabeau de Bavière vendue dès 1429
- le buste d’or de Sainte Agnès orné d’un riche saphir entouré de huit pierres précieuses et portant un rameau d’or
- Pendant la guerre entre Armagnacs et Bourguignons et pendant les guerres de religion, de nouvelles ventes et fontes ont lieu en 1562 et en 1577. Le reliquaire d’or du chef de Saint Philippe, couvert de pierres précieuses offert par le duc de Berry en 1414 est fondu en 1562.
Au milieu du XVIIIè siècle, en 1759, pendant la Guerre de Sept Ans, à la demande de Louis XV, sont portés à la Monnaie pour y être fondus.
- dix chandeliers d’argent – dont quatre offerts par le dernier évêque de Paris Henri de Gondi en 1607 (Paris fut érigé en archevêché à sa mort)
- six chandeliers de vermeil donnés par le Cardinal de Noailles
- un grand bénitier
- un lampadaire
- une importante chapelle XVIIè
- une grande lampe d’argent donnée par Anne d’Autriche en 1636
La Révolution, après avoir nationalisé les biens d’Église (2 novembre 1789), ordonne la confiscation et la fonte des objets inutiles au culte (3 mars 1791), puis des objets du culte eux-mêmes (10 septembre 1792). Le Trésor disparait totalement. Les objets antérieurs à cette période, qui s’y trouvent maintenant, entrent plus tard. Aucun ne provient de Notre-Dame. Après le Concordat, Napoléon notamment recrée le Trésor avec des dons. Puis vient la Restauration où l’étroite alliance du trône et de l’autel amène d’importants enrichissements. Les émeutes de 1830 et 1831 entraînent de nombreuses disparitions.
Depuis la Loi de Séparation de l’Église et de l’État (1905), ce dernier est propriétaire des objets entrés avant les inventaires.
Les enrichissements du trésor
C’est le plus souvent sous forme de dons que les objets sont entrés au Trésor. Sous l’Ancien Régime, tous les rois et nombre de membres de leur famille ont fait quelques présents à Notre-Dame.
En 1789, le Trésor possède encore le tableau d’or, dit Saint Sébastien, offert par le duc de Berry en 1406. Jusqu’au XIXè siècle, les souverains passent commande à des artisans de renom à l’occasion d’un événement heureux de leur règne :
- Te Deum suivant une victoire (ostensoir dit de Louis XVIII)
- baptême princier (ornements offerts par Napoléon III en 1856 à l’occasion du baptême du Prince Impérial)
- mariage ou sacre (importants dons de Napoléon en 1804)
Plusieurs papes, amis de l’Église de Paris, enrichissent aussi le Trésor (calices de Léon XIII, de Jean XXIII). Des souverains en visite font de même (Croix offerte par l’empereur d’Éthiopie). Prélats et chanoines lèguent au Trésor les calices, ciboires, chapelles offerts par leur famille ou des fidèles au cours de leur ministère.
Les sacristies successives de la Cathédrale
La place du Trésor de Notre-Dame de Paris varie peu au cours des siècles. Il est toujours gardé dans un bâtiment situé perpendiculairement à la cathédrale au niveau des chapelles du déambulatoire Sud. Les anciennes constructions abritent aussi les salles de sacristie à l’usage des desservants de l’église.
Au XVIIIè siècle, ces constructions annexes menacent ruine. L’architecte Soufflot (1714-1781) établit les plans d’une nouvelle sacristie et pose la première pierre le 12 août 1755. Cette grande sacristie prétend mélanger les styles grec et gothique et s’accorde mal à l’ensemble de la cathédrale. Au fond, un escalier à deux rampes permet d’accéder à une pièce voûtée, sphérique, où se trouvent les châsses et les reliques. L’étage supérieur abrite les ornements. Malheureusement les ravages dus aux émeutes de juillet 1830 et février 1831 entrainent l’abandon de la restauration.
Viollet-le-Duc et le trésor
Entre 1845 et 1850, Lassus et Viollet-le-Duc ne reconstruisent que la sacristie autour d’un petit cloître carré. La partie la plus proche du transept sert au culte, l’autre partie abrite le Trésor. Plusieurs artistes contribuent aux travaux :
- les vitraux du cloître, exécutés par Gérente, racontent la vie de Sainte Geneviève
- dans la salle du Trésor, les vitraux, œuvre de Maréchal de Metz, représentent les évêques et archevêques de Paris
- l’aménagement, le mobilier et les vitraux du trésor sous la direction de Viollet-le-Duc
- Sauvage et Milon réalisent la maçonnerie
- Lechesne, la sculpture d’ornement
- Boulanger, la serrurerie
- Mirgon, le mobilier
Inspiré par l’art religieux du XIIIe siècle, Eugène Viollet-le-Duc et son prédécesseur Lassus créent la nouvelle sacristie entre 1845 et 1850.
Viollet-le-Duc s’efforce de reconstituer toute une orfèvrerie de style médiéval. Au-delà de l’adaptation des formes médiévales, il réalise aussi de véritables créations tels que chandelier Pascal et le reliquaire de la Couronne d’épines. Il dessine aussi les grandes armoires et les chapiers de la salle du Trésor. Les orfèvres Bachelet, Poussielgue-Rusand et Chertier exécutent ses projets.